Actualités

Les actualités du GRPSO

Actualité bibliographique du mois de mars - Henri Montaudié

Un régime alimentaire peut-il impacter sur le risque de développer un psoriasis ?

Actualité bibliographique du mois de mars - Henri Montaudié

Thème : CLINIQUE

Titre : Un régime alimentaire peut-il impacter sur le risque de développer un psoriasis ?

Le psoriasis cutané (PsO), articulaire (PsA) (et la dermatite atopique (DA) sont des maladies chroniques de physiopathogénie multifactorielle (susceptibilité génétique, désordres immunologiques, facteurs, environnementaux…). Le processus inflammatoire est à l’origine de ces dermatoses mais intervient aussi dans la chronicité de celles-ci. Les auteurs de ce travail rappellent que plusieurs études ont démontré l’implication du régime alimentaire sur certaines maladies chroniques. Par exemple un régime alimentaire dit méditerranéen de par ses vertus anti-inflammatoires entraine une diminution de plusieurs marqueurs de l’inflammation (protéine-C-réactive, interleukine-6 et adiponectine) et diminue ainsi le risque de diabète et la mortalité par cancer.

La question de l’impact d’un régime alimentaire sur des dermatoses inflammatoires telles que le PsO et le PsA est encore pleinement d’actualité.

Ainsi à travers cette étude les auteurs ont voulu évaluer l’effet d’un régime alimentaire pro-inflammatoire sur l’incidence du PsO, du PsA et de la DA. Leur hypothèse de départ était qu’un tel régime augmente le risque de développer ces pathologies. Pour apprécier ce risque ils se sont basés sur un outil validé et publié, appelé « Empirical Dietary Inflammatory Pattern » (EDIP). Il s’agit d’un score qui estime de façon empirique et globale le potentiel inflammatoire d’un régime en se basant sur le dosage de 3 principales cytokines inflammatoires, à savoir le TNF-α R2, la CRP et IL-6. Le score EDIP est la somme pondérée de 18 groupes d’aliments/boissons aux vertus très anti-inflammatoires (scores le plus bas, exemple : bière, vin thé, jus de fruits...) ou très inflammatoires (score le plus élevé, exemple : viande rouge, poisson blanc…).

 Il s’agit d’une étude prospective de cohorte menée, en ce qui concerne la cohorte psoriasis +/-articulaire, sur 85185 infirmières américaines, âgées de 25 à 42 ans.  Le score EDIP était mesuré à l’inclusion et tous les 4 ans. Une limite de cette étude est que l’incidence du PsO et du PsA était rapportée par les femmes elles-mêmes (la question « Avez-vous eu un diagnostic de PsO/PsA retenu par un clinicien ? » leur était directement posée). Néanmoins les auteurs précisent qu’en plus un auto-questionnaire validé (Psoriasis Screening Tool), avec une spécificité de 94%, a été utilisé pour retenir le diagnostic de PsO et un autre auto-questionnaire (Psoriatic Arthritis Screening), avec une spécificité de 73-80%, pour le diagnostic de PsA.

Le premier point attendu mais intéressant à souligner, est que les patients avec un score EDIP élevé (régime pro-inflammatoire) avaient un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé, une activité physique moindre, une consommation d’alcool plus importante, une tendance plus importante à avoir une HTA et des taux élevés de cholestérol.

Le nombre de PsO détectés a été de 1432 et il était de 262 pour les PsA. Les habitudes alimentaires pro-inflammatoires n’étaient pas associées au risque de survenue ni du PsO (p>0,05) ni du PsA (p>0,05), au terme des analyses multivariées (cf. figure 1 - tableau II ). L’ajustement uniquement sur l’âge montrait initialement une association entre incidence du PsA et score EDIP élevé (p=0,007), mais non retrouvée en analyse multivariée. L’IMC était responsable de cette parte de significativité. Néanmoins après un ajustement et une stratification spécifique selon l’IMC cette significativité n’était toujours plus retrouvée.

Les auteurs soulignent dans la discussion que leurs résultats, qui plaident pour le non intérêt à un régime anti-inflammatoire pour prévenir la survenue d’un PsO/PsA, vont contre ceux observés par la cohorte française NutriNet-Sante, dans laquelle il est montrée que l’adhérence à un régime méditerranéen anti-inflammatoire ralentit la progression de la maladie psoriasique vers une forme sévère. Ils rappellent néanmoins que les méthodologies de ces 2 études sont différentes (corrélation régime/sévérité du psoriasis dans l’étude NutriNet-Sante versus corrélation régime/incidence du psoriasis dans leur étude) et donc que la comparaison directe n’est pas des plus rigoureuses.

Les résultats de cette étude ne soutiennent pas l’idée de modifier son régime alimentaire pour diminuer le risque de survenue d’une maladie psoriasique chez la femme, intérêt démontré dans d’autres affections comme la polyarthrite rhumatoïde et le cancer colo-rectal.

Les auteurs insistent sur la puissance de leur étude prospective, menée sur un large échantillon de patient et avec des ajustements effectués sur les facteurs confondants. Mais ils rappellent aussi les limites et en particulier le fait que ces résultats concernent une catégorie de personnes, à savoir des femmes américaines, et qu’ils ne peuvent pas être généralisés à l’ensemble de la population.

Conclusion (de l’étude) : Un régime alimentaire aux propriétés pro-inflammatoires ne semble pas constituer un facteur de risque de développer une maladie psoriasique chez la femme. Ainsi, un régime alimentaire aux propriétés anti-inflammatoires, dans la perspective de prévenir la survenue d’un psoriasis chez la femme, ne semble pas opportun.

Référence de l'article :

Inflammatory dietary pattern and incident psoriasis, psoriatic arthritis, and atopic dermatitis in women: a cohort study.

Alanna C. Bridgman, Abrar Qureshi, Tricia Li, Fred K. Tabung, Eunyoung Cho, Aaron M. Drucker.

J Am Acad Dermatol. 2019 Feb 21. pii: S0190-9622(19)30329-9