Actualité bibliographique d'avril
Revue d'études par Irène Gallais Sérézal, Julie Charles et François Aubin
Prise en charge en vie réelle du psoriasis par biothérapie pendant la grossesse.
Tran C, Mahé E, Beylot-Barry M, Jullien D, Richard MA, Fougerousse AC, Bouznad A, Bulai Livideanu C, Brun A, Amelot F, Maccari F, Aubin F, Benhadou F, Paul C. Real-life management of psoriasis with biological agents during pregnancy. Ann Dermatol Venereol. 2024 Mar 29;151(2):103254.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38554588/
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0151963824000103?via%3Dihub
Dans cette étude française, les habitudes de prescription des biothérapies dans un contexte de grossesse ont été étudiées, en particulier le suivi ou non des recommandations, à savoir l’arrêt des biothérapies au moment du projet conceptionnel. Soixante-trois dermatologues ont participé à cette étude, 36,5% des praticiens suivaient effectivement les recommandations précitées. 44,4% des praticiens, en revanche, ne suspendaient le traitement qu’à la concrétisation d’une grossesse. Les recommandations étaient moins suivies chez les praticiens plus expérimentés. Les auteurs rappellent qu’en cas de nécessité à poursuivre une biothérapie, le traitement de choix serait les anti-TNF, en particulier le certolizumab pegol.
Relation causale entre psoriasis et cancer : une étude double-échantillon de randomisation mendélienne.
Long J, Yang M, Pang Y, Kang H, Liang S, Wang D. The causal relationship between psoriasis and cancers: a two-sample Mendelian randomization analysis. Front Oncol. 2024 Mar 21;14:1366958.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38577332/
https://www.frontiersin.org/journals/oncology/articles/10.3389/fonc.2024.1366958/full
La randomisation mendélienne se réfère au fait d’utiliser comme facteur de randomisation des marqueurs génétiques (polymorphisme prédisposant) qui sont donc indépendants des expositions environnementales accumulées au cours de la vie, permettant de s’affranchir de ces facteurs de confusion qui peuvent polluer les résultats d’analyse.
Ici, les auteurs ont utilisé cette technique pour regarder de nouveau la possibilité d’une responsabilité du psoriasis (utilisant les SNP/polymorphismes identifiés par GWAS) dans le développement de cancers (17 sites). Les résultats ne retrouvaient pas d’association génétique entre psoriasis et développement de cancers, soulignant ainsi l’importance des facteurs environnementaux.
Pour ceux intéressés par la randomisation mendélienne, nous vous indiquons deux articles utiles et bien écrits et libres d’accès :
Relation entre le microbiote digestif et le psoriasis : cause ou conséquence ?
Wu R, Zhao L, Wu Z, Liu X, Li J, Wang T, Zhang L. Psoriasis and gut microbiota: A Mendelian randomization study. J Cell Mol Med. 2024 Jan;28(1):e18023.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38146147/
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jcmm.18023
On ne sait toujours pas si la dysbiose intestinale est la cause ou la conséquence du psoriasis (causalité inverse). On ne sait pas non plus si les deux seraient influencés par d’autres facteurs « confondants », qui seraient associés à la fois au microbiote intestinal et psoriasis : par exemple, la qualité de l’alimentation, la consommation d’alcool ou le poids corporel.
Les auteurs ont réalisé une analyse mendélienne pour déterminer la relation de cause à effet entre la dysbiose digestive et le psoriasis. Ils ont comparé les variations génétiques associées aux microbiotes de 18 340 personnes et les variations génomiques de 9267 patients psoriasiques et 364 071 sujets contrôles. Les auteurs ont retrouvé certains variants génétiques spécifiques de taxa microbiens (Veillonellaceae et Candidatus Soleaferrea) uniquement chez les patients psoriasiques suggérant une relation de causalité. Inversement, les variants génétiques spécifiques de Eubacterium seraient protecteurs de la survenue de psoriasis.
Psoriasis et fonction érectile.
Yu N, Guo Y, Zhao S, Chen X. Do psoriasis and atopic dermatitis affect erectile dysfunction? Insights from a Mendelian randomization study. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2024 Mar;38(3):e259-e261.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37822009/
La dysfonction érectile (DE) est l’incapacité à obtenir ou maintenir une érection suffisante pour avoir une relation sexuelle satisfaisante. La prévalence de la DE augmente avec l’âge et touche 50 % des hommes après 60 ans. Les auteurs ont comparé les données génomiques de 10 588 patients psoriasiques et de 22 806 sujets contrôles avec les données génomiques de 6175 patients avec DE et 217 630 sujets contrôles. De façon inattendue, il n’existait pas d’association entre le risque génétique de psoriasis et celui de DE. Par contre, les auteurs observaient une association inverse entre le risque génétique de dermatite atopique et celui de DE. Cet effet protecteur impliquait les gènes de la voie JAK-STAT en particulier ceux codant l’IL13 et STAT5B. L’absence d’association génétique entre psoriasis et DE, contredite par plusieurs études cliniques, souligne les difficultés d’interprétation des analyses mendéliennes dans les relations causales. La DE pourrait ainsi être un effet collatéral de l’association génétique plus établie entre psoriasis et troubles de l’humeur.
Les effets secondaires sont-ils genrés chez les patients traités pour psoriasis ?
Verardi F, Maul LV, Borsky K, Steinmann S, Rosset N, Pons HO, Sorbe C, Yawalkar N, Micheroli R, Egeberg A, Thyssen JP, Heidemeyer K, Boehncke WH, Conrad C, Cozzio A, Pinter A, Kündig T, Navarini AA, Maul JT. Sex differences in adverse events from systemic treatments for psoriasis: A decade of insights from the Swiss Psoriasis Registry (SDNTT). J Eur Acad Dermatol Venereol. 2024 Apr;38(4):719-731.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38084852/
Les auteurs ont inclus 791 patients (290 femmes) psoriasiques du registre Suisse qui étaient traités par biologiques (55%) ou traitements systémiques conventionnels (45%). Il n’existait pas de différence significative en fonction du sexe pour les effets secondaires sévères. Les arrêts de traitements étaient plus fréquents chez les femmes avec la ciclosporine et les rétinoïdes uniquement mais pas avec les autres traitements systémiques (methotrexate, apremilast et biologiques). Par contre, les auteurs observaient une fréquence plus élevée d’effets secondaires chez les femmes avec les traitements systémiques conventionnels (x 1.8) et les biologiques (x 2). Différents facteurs pharmacologiques et physiologiques (production hormonale, métabolisme cellulaire, répartition quantitative et qualitative des graisses, etc…) ont été incriminés. Ces résultats qui confirment d’autres études (Espagne, Pays Bas) soulignent la nécessité de tenir compte du sexe pour la construction et l’interprétation des essais thérapeutiques dans le psoriasis.